Première mondiale : Le trou noir central de la Voie lactée enfin révélé

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Première mondiale : Le trou noir central de la Voie lactée enfin révélé
Première mondiale : Le trou noir central de la Voie lactée enfin révélé

La première image du trou noir situé au centre de notre galaxie, la Voie lactée, a été révélée jeudi par un groupe international de chercheurs. La prouesse technique s’avère en complet accord avec les prévisions des astrophysiciens et époustoufle la communauté scientifique.

Jusqu’à présent, on ne percevait qu’indirectement la présence de Sagittarius A* (Sgr A*), que ce soit à partir de quelques émissions radio ou en observant les trajectoires des étoiles orbitant à grande vitesse autour d’une masse gigantesque, mais invisible. Grâce à la collaboration Event Horizon Telescope (EHT) et son réseau de télescopes terrestres, on connaît désormais le « visage » de ce trou noir géant tapi au centre de notre Voie lactée. Après celle obtenue par l’EHT en 2019 du trou noir central de la galaxie M87, c’est donc la seconde image directe de ce type d’astre dont on dispose à ce jour.

4,3 millions de masses solaires

« Nous pouvons maintenant étudier les différences entre ces deux trous noirs supermassifs afin d’obtenir de nouveaux indices précieux sur le fonctionnement de cet important processus », a déclaré Keiichi Asada, scientifique de l’EHT, de l’Institut d’astronomie et d’astrophysique de l’Academia Sinica, à Taipei. Visible grâce au disque d’accrétion brillant qui orbite autour de ses 4,3 millions de masses solaires à une vitesse proche de celle de la lumière, Sgr A* a un diamètre équivalent à 30 fois celui du Soleil. Mais comme il est situé à 27 000 années-lumière de la Terre, sa taille apparente est celle d’une orange qu’on distinguerait sur la Lune. Aussi, pour obtenir cette image, il aura fallu combiner les données recueillies nuit après nuit par les huit télescopes disséminés sur notre planète, puis affiner ensuite les images « brutes » ainsi obtenues en s’appuyant sur les modélisations numériques de trou noir à la disposition des chercheurs. Les résultats de l’équipe de l’EHT sont publiés aujourd’hui dans un numéro spécial de la revue The Astrophysical Journal Letters.

Un radiotélescope de 10 000 km de diamètre

Le projet international EHT, lancé en 2016 par Sheperd Doeleman et Heino Falcke, respectivement astronome au MIT (États-Unis) et professeur à l’université de Radboud (Pays-Bas), est financé pour sa partie européenne via une bourse du Conseil européen de la recherche d’un montant de 14 millions d’euros. Exploitant la technique d’interférométrie VLBI (Very Long Base Interferometry) sur la longueur d’onde de 1,3 millimètre (un rayonnement capable de « traverser » les nuages de poussières présents sur la ligne de visée), l’EHT synchronise avec une précision d’une fraction de millionième de seconde les instruments de huit – bientôt dix – observatoires répartis sur la surface du globe, produisant des clichés d’une résolution équivalente à celle qu’aurait un unique radiotélescope de 10 000 kilomètres de diamètre !

Même 2 000 fois moins éloigné de nous que ne l’est M87* (situé à 50 millions d’années-lumière), Sgr A* s’est avéré bien plus difficile à visualiser. Et pour cause : si le gaz à proximité des trous noirs se déplace à la même vitesse (proche de celle de la lumière), il met des jours à compléter une révolution autour de M87*– 1 500 fois plus massif que Sgr A*et donc bien plus grand –, tandis qu’il le fait en quelques minutes autour de Sgr A*. « Ces changements rapides de luminosité et de configuration autour de Sgr A*génèrent un jeu de données bien plus complexe que celui de M87*, nous avons donc dû développer de nouveaux outils numériques de simulation et d’analyse du mouvement des gaz pour générer une image nette, précise Frédéric Gueth, chercheur CNRS et directeur adjoint de l’Institut de radioastronomie millimétrique (Iram). Ce qui explique qu’il nous a fallu trois ans de plus pour visualiser Sgr A*. » Cinq ans de calculs intensifs sur les données recueillies en 2017 auront de fait été nécessaires aux 300 chercheurs pour obtenir l’image publiée aujourd’hui.

Pas de cheveux mais des gaz autour des trous noirs

Cette seconde image confirme ce à quoi les théoriciens s’attendaient : malgré leur grande disparité de masse et le fait qu’ils se situent dans des galaxies de types différents, les deux trous noirs ont un aspect très similaire, à leur taille près. Et pour cause : les trous noirs sont des objets physiques massifs et difficiles à observer directement, mais assez simples à caractériser. À l’instar des particules élémentaires, on peut les décrire complètement à partir de trois valeurs : leur masse, leur vitesse de rotation et leur charge électrique. Ils ne renferment aucune autre information. Une simplicité – et une uniformité – que le physicien Archibald Wheeler avait résumé par la formule « les trous noirs n’ont pas de cheveux ».

« La relativité générale régit ces objets de près, toute différence que nous voyons plus loin est due à des dissemblances dans la matière qui entoure les trous noirs », explique Sera Markoff, coprésidente du conseil scientifique de l’EHT et professeur d’astrophysique théorique à l’université d’Amsterdam, aux Pays-Bas. Disposant enfin d’images de deux trous noirs de tailles très différentes, les chercheurs vont pouvoir tester des théories et des modèles sur le comportement du gaz autour des trous noirs supermassifs. Un processus qui n’est pas encore totalement compris, mais dont on pense qu’il joue un rôle clé dans la formation et l’évolution des galaxies
Les yeux de l’Iram

Le CNRS contribue à l’EHT via les deux observatoires de l’Iram : le télescope de 30 mètres situé à 2 850 mètres d’altitude, sur les pentes du Pico Veleta, dans le sud de l’Espagne, rejoint en 2018 par Noema (NOrthern Extended Millimeter Array), un radiotélescope dont les 12 antennes de 15 mètres de diamètre viennent d’être déployées sur le plateau de Bure, dans les Alpes françaises. Avec le télescope Alma au Chili, le télescope de 30 mètres de l’Iram a fourni la plus longue ligne de base et, par conséquent, les images les plus nettes, contribuant ainsi de manière décisive à la haute résolution spatiale des images de Sgr A*.

Les progrès de l’EHT vont se poursuivre : une grande campagne d’observation en mars 2022 a inclus plus de télescopes que jamais auparavant. C’est notamment le cas du deuxième observatoire de l’Iram, Noema, qui a effectué ses premières observations en 2021. La poursuite du développement de technologies de réception de pointe pour Noema et le télescope de 30 mètres de l’Iram permettra à la collaboration EHT de faire des timelapses avec des détails encore plus précis. « Avec Noema, on espère d’ici quelques années pouvoir générer une image toutes les toutes les heures – en obtenir huit plutôt qu’une seule image en intégrant 8 heures d’observation, explique Frédéric Gueth. On pourrait ainsi visualiser les modifications et les mouvements dans le disque d’accrétion, ce qui constitue une information absolument capitale. » Les deux installations seront ainsi déterminantes pour la collaboration EHT dans la compréhension de la physique des trous noirs massifs, et en particulier de Sgr A*.

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