Le Conseil de la concurrence secoue le marché de la sardine industrielle

Après deux décennies d’un fonctionnement opaque, le marché marocain de la sardine industrielle est dans le viseur du Conseil de la concurrence. L’institution, saisie d’office en avril 2024, a ouvert une instruction approfondie sur des soupçons de pratiques anticoncurrentielles dans ce segment stratégique de la filière halieutique.

Au terme de ses premières investigations, le Conseil a mis au jour des éléments jugés probants suggérant l’existence d’une entente durable entre plusieurs opérateurs majeurs. L’affaire, sans précédent dans le secteur, pourrait redessiner en profondeur les règles du jeu dans une industrie où la concentration et le manque de transparence ont longtemps prévalu.

Selon les conclusions préliminaires des services d’enquête, cette entente aurait reposé sur deux mécanismes principaux : une fixation concertée des prix de la première vente de la sardine industrielle, et une répartition volontairement restreinte de la production.

En d’autres termes, des acteurs dominants du marché se seraient accordés pour manipuler artificiellement les prix, tant à la hausse qu’à la baisse, tout en limitant délibérément l’offre, empêchant ainsi l’arrivée de nouveaux entrants et restreignant la liberté d’action des opérateurs indépendants.

15 organisations professionnelles dans le viseur

Face à ces éléments, le Rapporteur Général du Conseil de la concurrence a procédé à la notification officielle de griefs à l’encontre de 15 organisations professionnelles. Ces dernières couvrent l’ensemble de la chaîne de valeur : des armateurs (propriétaires des navires de pêche), aux unités de transformation, en passant par les mareyeurs, intermédiaires jouant un rôle clé dans la revente du poisson fraîchement pêché.

L’ouverture de cette procédure marque le début d’un processus contradictoire, dans lequel les parties mises en cause auront la possibilité de présenter leur défense. Elle envoie également un message clair : même les secteurs historiquement peu régulés ne sont plus à l’abri de la vigilance du régulateur.

Le marché de la sardine industrielle n’est pas anodin. Le Maroc est l’un des premiers exportateurs mondiaux de sardines, un produit phare de la conserve halieutique. Des villes comme Safi, pilier de la transformation, jouent un rôle central dans cette industrie qui fait vivre des milliers de familles et alimente les marchés africains, européens et asiatiques.

Mais ces dernières années, les professionnels de la filière ont tiré la sonnette d’alarme sur la volatilité des prix, les difficultés d’approvisionnement, et les tensions entre opérateurs, appelant à une réforme en profondeur pour stabiliser un secteur à bout de souffle.

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