Le régime algérien excelle toujours dans l’art de l’opacité et de la langue de bois, près de deux ans après le début du mouvement de contestation, les manifestations ont cessé mais les condamnations continuent de pleuvoir sur les militants, journalistes et défenseurs des droits humains.
La stratégie d’étouffement du Hirak, le mouvement de contestation politique et sociale, se durcit en Algérie, affirme le journal français Le Monde. Après les mesures d’élargissement de détenus du Hirak, via une grâce ou une mise en liberté provisoire, décidées en février puis en juillet, « les emprisonnements ont repris de plus belle ». Le site Algerian Detainees, qui fournit des informations sur les détenus d’opinions du Hirak, recensait 66 prisonniers en avril ; ils sont aujourd’hui 223, écrit le journal.
Et pour cela tous les motifs sont bons : allant de la diffusion d’informations susceptibles de provoquer la ségrégation et la haine dans la société, à la diffusion volontaire de fausses informations susceptibles d’attenter à l’ordre public, ou encore l’usage de divers moyens pour porter atteinte à la sûreté et l’unité nationale.
Mais, dans l’arsenal utilisé, l’accusation de terrorisme est venue s’ajouter aux charges habituelles d’atteinte à l’unité nationale et d’appel à attroupements non armés, relève Le Monde.
Ainsi, le 12 septembre, le journaliste et défenseur des droits humains Hassan Bouras a été placé sous mandat de dépôt pour « apologie du terrorisme ». Arrêté le même jour à Alger, Mohamed Mouloudj, journaliste à Liberté, a été placé en détention préventive pour des liens présumés avec le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), classé comme organisation terroriste par les autorités algériennes.
Le 17 septembre, rappelle Le Monde, trois militants des droits humains bien connus à Oran – le syndicaliste universitaire Kaddour Chouicha, la journaliste Jamila Loukil et son confrère Saïd Boudour – ont vu leur affaire transférée vers la division antiterroriste du tribunal de Sidi M’hamed, à Alger. « Un signal particulièrement inquiétant : en cas de verdict de culpabilité, les peines peuvent aller jusqu’à vingt ans de prison », souligne le journal.
Selon le Monde, ce durcissement a été consacré au plan juridique en juin par une ordonnance qui élargit de manière considérable la définition du terrorisme. L’article 87 bis du Code pénal algérien qualifie désormais de terrorisme le fait d’œuvrer ou d’inciter « à accéder au pouvoir ou à changer le système de gouvernance par des moyens non constitutionnels ».
« L’objectif du régime est d’étouffer toute velléité d’un retour du Hirak dans les rues, mais aussi sur les réseaux sociaux », affirme Le Monde, soulignant que les publications contestataires, critiques ou railleuses sur Facebook peuvent entraîner des poursuites et des emprisonnements.
D’ailleurs, poursuit le journal, Amnesty International a affirmé, dans un communiqué, fin septembre, que « les autorités algériennes durcissent leur méthodes visant à réduire au silence la dissidence pacifique en s’appuyant sur des accusations liées au terrorisme ».
Selon l’Organisation de défense des Droits humains, « ce n’est qu’un écran de fumée pour dissimuler la répression sévère exercée contre le militantisme », conclut le journal.