La ville de Torre Pacheco, dans la région de Murcie au sud-est de l’Espagne, connaît depuis deux jours une escalade inquiétante de violences à caractère raciste. Des affrontements ont éclaté les 12 et 13 juillet entre groupes d’extrême droite et jeunes d’origine marocaine, après l’agression brutale d’un retraité espagnol de 72 ans.
Des scènes de chaos filmées sur les réseaux sociaux montrent des groupes s’en prenant à des logements et commerces fréquentés par des Marocains, sur fond de slogans xénophobes. Plusieurs personnes ont été blessées.
Interrogé ce lundi sur la situation par la radio Cadena Ser, le ministre de l’Intérieur Fernando Grande-Marlaska a confirmé que huit personnes avaient été interpellées depuis le début des émeutes. Loin des amalgames véhiculés, la majorité des personnes interpellées pour violences lors des émeutes, soit cinq au total, sont espagnoles. Le ministre a précisé que l’enquête se poursuivait pour établir les responsabilités exactes, tout en soulignant le déploiement renforcé des forces de sécurité pour rétablir l’ordre et éviter que des groupes extrémistes ne profitent de l’incident pour semer la division.
Le gouvernement accuse le parti Vox
Fernando Grande-Marlaska a d’ailleurs pointé du doigt le parti Vox pour avoir attisé les troubles enregistrés à Torre Pacheco. Il a assuré qu’«il existe des groupes organisés» qui agissent derrière ces altercations, répondant ainsi à une logique de «criminalisation de l’immigration» au lieu de miser sur «la cohabitation et la prospérité» comme le demande la majorité. Il a rappelé que son ministère dispose de données qui confirment qu’il ne s’agit pas d’actes de délinquance liée à l’immigration mais bien d’une réalité orchestrée par des discours de haine «canalisés» par Vox et ses relais, «qui cherchent à semer la discorde parmi les citoyens».
L’événement déclencheur a été l’agression de “Domingo”, un septuagénaire attaqué en pleine rue par quatre jeunes présumés d’origine marocaine. Selon les premiers éléments de l’enquête, l’acte aurait été filmé dans une logique de “divertissement” pour TikTok. Un suspect a été arrêté, les autres sont activement recherchés.
L’indignation suscitée par ce fait divers légitime a été immédiatement instrumentalisée par des mouvements d’extrême droite, notamment le parti Vox, pour alimenter un discours anti-immigration violent et généralisé.
Des groupes d’extrême droite se sont rassemblés à Torre Pacheco, multipliant provocations, attaques à coups de bâtons et de pierres, visant explicitement des membres de la communauté marocaine. Sur les réseaux sociaux, des appels à la haine et à la déportation collective ont circulé.
Des ONG locales, ainsi que des observateurs indépendants, tirent la sonnette d’alarme : “Ce climat rappelle dangereusement les événements d’El Ejido en 2000”, où des émeutes racistes avaient éclaté contre les travailleurs agricoles marocains, dans un contexte similaire de récupération politique.
Jusqu’ici, aucune réaction officielle n’a été formulée par le ministère des Affaires étrangères marocain, ni par les consulats marocains en Espagne. Ni condamnation, ni appel à la protection de la communauté visée n’a été rendu public, malgré l’ampleur des tensions.
Ce silence marocain contraste avec la réaction des autorités espagnoles : mobilisation policière, appel au calme des autorités locales de Murcie, et condamnation des discours haineux par le gouvernement central à Madrid.
Des voix s’élèvent pour appeler à la responsabilité collective, rappelant qu’une agression condamnable ne peut justifier des représailles généralisées contre une communauté entière. Les ONG soulignent l’importance de distinguer la responsabilité individuelle des actes criminels, de toute stigmatisation ethnique ou nationale.
À Torre Pacheco, la tension reste vive. Et avec elle, la nécessité urgente de préserver la cohésion sociale dans un climat déjà fragilisé par les crispations identitaires.