Pressé de réduire la dette colossale d’Altice, Patrick Drahi envisagerait de vendre ses parts dans Intelcia. Des investisseurs marocains seraient en lice pour reprendre le contrôle du groupe spécialisé dans la relation client.
Le géant français des télécoms et des médias Altice, dirigé par Patrick Drahi, pourrait bientôt tourner une page importante de son histoire. Selon des informations révélées par LeMonde, l’homme d’affaires envisagerait de se séparer de sa participation majoritaire dans Intelcia, l’un des fleurons marocains de la relation client.
L’objectif ? Réduire une dette estimée à près de 24 milliards d’euros, qui pèse lourdement sur la holding d’Altice. La cession des 65 % de parts détenues dans Intelcia serait une étape clé dans cette stratégie de désendettement.
Des investisseurs marocains dans la boucle ?
Intelcia, cofondée par Karim Bernoussi, est aujourd’hui présente dans 19 pays et emploie plus de 40 000 collaborateurs. En 2024, son chiffre d’affaires aurait frôlé les 766 millions d’euros, toujours selon Le Monde. L’entreprise assure notamment une partie des activités de relation client de SFR, filiale d’Altice, et client historique du groupe marocain.
Depuis l’entrée d’Altice dans son capital en 2016, Intelcia a connu une croissance spectaculaire. Ses effectifs comme son chiffre d’affaires ont été multipliés par dix. Cette expansion s’est largement appuyée sur l’appui du groupe français, mais aussi sur la montée en puissance d’Intelcia sur le marché européen.
Lors d’une réunion interne tenue à Paris en juillet, Karim Bernoussi aurait confié à ses équipes que des discussions sont en cours avec des investisseurs marocains. Selon des éléments relayés par Le Monde, il s’agirait notamment de « family offices », ces structures qui gèrent les portefeuilles de grandes fortunes familiales.
Le dirigeant marocain, qui détient environ 35 % du capital, resterait dans l’actionnariat. Il pourrait s’associer à ces nouveaux partenaires marocains dans une logique de continuité et de consolidation. Cela dit, aucune information officielle n’a été communiquée sur la valeur actuelle d’Intelcia. En 2016, lors de l’entrée d’Altice, l’entreprise avait été valorisée à environ 50 millions d’euros. Aujourd’hui, avec ses résultats, sa présence internationale et ses perspectives, sa valeur serait bien plus élevée, certains observateurs évoquent un chiffre proche du milliard d’euros. Mais ces estimations dépendent encore des données internes, notamment sur la rentabilité.
Des incertitudes autour de SFR
L’un des points sensibles du dossier reste la dépendance d’Intelcia vis-à-vis de SFR. Aujourd’hui, près de la moitié de son activité repose sur ce client unique. Or, Altice envisagerait également de céder une partie du capital de SFR, ce qui pourrait avoir un effet direct sur les contrats existants. Du côté des salariés, en particulier sur les sites marocains, l’inquiétude est palpable. Les syndicats craignent des pertes d’emplois si les contrats avec SFR venaient à être revus ou annulés.
Au Maroc, cette opération est suivie de près. Si la cession d’Intelcia par Altice se confirme, elle pourrait marquer un retour stratégique aux sources pour le groupe. Une reprise par des capitaux nationaux renforcerait l’ancrage marocain d’un acteur global, tout en consolidant la souveraineté économique dans un secteur à forte valeur ajoutée. Les noms des investisseurs intéressés n’ont pas encore filtré. Mais dans le paysage économique marocain, plusieurs acteurs ont les moyens de se positionner : fonds d’investissement, holdings familiaux ou encore institutions financières majeures.
Pour l’heure, aucun calendrier précis n’a été fixé et les discussions se poursuivent. Ce qui semble en revanche acquis, c’est que le dossier Intelcia pourrait aboutir à un changement de gouvernance majeur. Une nouvelle page s’ouvre peut-être pour le groupe, entre ambitions marocaines et repositionnements stratégiques d’un géant en difficulté.
