Depuis la publication par le groupe de hackers « Jabaroot » de documents relatifs à une transaction immobilière entre Abdellatif Ouahbi, ministre de la Justice, et son épouse, les réseaux sociaux sont en effervescence. En cause, une différence significative entre deux montants évoqués pour un même bien situé à Rabat-Souissi : un million de dirhams selon l’acte de donation daté du 12 août 2024, contre 11 millions de dirhams selon une mainlevée d’hypothèque obtenue un mois plus tôt.
Bien que l’authenticité des documents n’ait pas été officiellement confirmée, Abdellatif Ouahbi ne les a pas contestés dans une interview accordée à Hespress. Il y affirme qu’il s’agit d’une simple donation à titre gratuit, précisant qu’il n’a retiré aucun bénéfice de cette opération et qu’il a la liberté d’évaluer son bien comme il l’entend. Il invoque également la transparence de ses déclarations de patrimoine annuelles.
Cette évaluation, jugée sous-évaluée par de nombreux commentateurs, a relancé le débat sur la transparence et l’éthique dans la gestion du patrimoine des responsables publics. Le ministre justifie son geste par une volonté de récompenser sa conjointe après trente années de mariage, dans le cadre de la contribution au développement du patrimoine familial.
Sur le plan légal, la fiscalité marocaine prévoit des droits d’enregistrement et des frais d’inscription foncière équivalents à 3% de la valeur déclarée. Ainsi, une donation évaluée à 1 million de dirhams implique des frais de 30.000 dirhams, contre 330.000 dirhams si le bien avait été estimé à 11 millions. Si aucune plus-value n’est taxée dans une donation, une forte sous-évaluation peut toutefois être considérée comme une forme d’évasion fiscale.
Selon des spécialistes, l’administration est en droit de procéder à une réévaluation si elle juge la valeur déclarée irréaliste. Une telle situation pourrait entraîner un redressement et des sanctions. En cas de manœuvre frauduleuse avérée, le dossier pourrait relever du contentieux fiscal voire d’une qualification de fraude.
Cette affaire soulève en creux la question de l’enrichissement illicite, alors même que le ministre s’est opposé par le passé à l’adoption d’une législation spécifique sur ce sujet. Elle relance également le débat sur la cohérence entre les engagements publics et la rigueur dans la gestion personnelle des affaires patrimoniales des hauts responsables.